Alma, Lina, Laura

Jef Klak

La chambre est un écrin, le coffret de tes 19 ans, de tes yeux bleus et de tes longs cheveux blonds. La chambre qu’Adolf Loos aménage pour sa femme Lina Loos est entièrement recouverte, une enveloppe de blancheur pour le corps gracile de Lina. Des rideaux de satin blanc recouvrent les murs, le sol n’est qu’une large fourrure blanche. Seul un lit semble flotter au centre, lui aussi recouvert, les draps sont en soie. Blancs. La première fonction de la structure des architectures de Loos est de faire tenir le recouvrement en place, l’intérieur en ordre. L’intérieur est une mise en scène du désir. Printemps 1900, tu es sur la terrasse de la maison des Moll, à Vienne. Un homme te tend une cigarette, tu te retournes surprise par sa présence et dans ton geste fais tomber l’étui. «Comment puis-je me faire pardonner?» Il t’épouse. Tu portes une robe rose pâle nouée à la taille, tes épaules sont dégagées, des motifs floraux, un chignon très bas couvre ta nuque. Quelques mèches, le vent, il fait doux. Lolita avant Lolita, à 20 ans tu deviens la femme du grand architecte que l’on connaît.

Les rideaux ne partent pas du plafond, 40 centimètres plus bas environ, filtrent la lumière de la fenêtre à droite. Plus haut, ils la laissent pénétrer. Crue. Pas tout à fait opaque, fluidité évanescente. Une alcôve pour le lit, une table de nuit de chaque côté. Deux vases sont posés. La fourrure au sol semble prolonger les rideaux, recouvre la moquette.1

  1. Exemple de note. 

Publié dans XXX en 20XX